Page:Puybusque - L'Arme du fou, paru dans La Revue Populaire, Montréal, Sept 1918.pdf/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à l’affût, le gibier dans les bois.

Marie ne se rendit pas compte tout de suite si le Loup avait ou non compris ce qu’elle attendait de lui, il demeurait tête baissée, sans bouger, ni parler. Elle comprit qu’il hésitait :

— Voyons, tu ne veux pas me promettre, à moi, de ne plus chasser ?

Il avait compris, mais on lui demandait ce qui était toute sa vie.

— Je ne peux pas.

— Écoute, Louiset. — Marie parla d’une voix persuasive, très lentement, comme pour ouvrir peu à peu l’entendement obtus, — écoute, tu n’es pas bon, moi, je t’ai fait pardonner, on ne te conduira pas aux gendarmes, ni en prison ; tu pourras t’en aller, on ne te fera rien, et toi, tu ne veux pas me rendre contente, tu ne veux pas ?

Il ne répondit pas d’abord, mais, soudain tourné vers Marie :

— Le chien ?

Cette pensée le hantait qu’on allait le lui tuer.

— Apelle ton chien, commanda Marie.

Le Loup hésita, et, la voix soupçonneuse :

— Pour le tuer ?

— Non, on ne le tuera pas. Appelle-le.

Strident, un sifflement sortit des lèvres du braconnier.

Le chien qui rôdait, tête basse aux environs, reconnaissant l’appel de son maître, se précipita, bousculant ceux qui masquaient la porte ; il vint caresser Louiset ; la queue frétillante et les dents claires sous sa lèvre retroussée. On eût dit que le chien riait ; quant à l’homme, deux larmes coulèrent de ses yeux et se perdirent dans les broussailles fauves de sa barbe.

— C’est vrai qu’on ne me le tuera pas ?

— C’est vrai, dit Marie.

Sa petite main caressa la tête du chien qui se mit à la lécher.

Alors, toutes les hésitations de Louiset s’évanouirent.

Debout, l’œil animé, avant que Marie eût compris ce qu’il voulait faire, dans la main que l’enfant tenait encore sur la tête du chien, il mit la sienne, ainsi qu’il l’avait vu faire dans les foires, entre paysans concluant un marché.

— Eh bien, tope, dit-il ; — il parlait encore par saccades, comme malhabile à se servir de sa langue — je ferai tout pour vous, notre demoiselle ; je ne chasserai plus, ni le jour, ni la nuit ; que Volusien garde mon fusil je n’en ai pas besoin. On nous donnera du pain à moi et au chien. Je ne chasserai plus.

Le pauvre être n’en avait, depuis longtemps, pas dit aussi long. Marie le regarda avec bonté :

— Bien, Louiset : tu es un brave garçon. Tu viendras ici demain, je te donnerai des habits et des souliers, et de la soupe ; et puis on t’enseignera à travailler. Va maintenant, mon ami, je suis contente de toi.

Louiset sortit, suivi de son chien, sans qu’on pût comprendre lequel était le plus joyeux des deux.

Volusien emporta le fusil en grognant tout bas :

— C’est égal, il aurait fallu une punition, cette mauvaise graine recommencera.


VIII


Louiset garda sa parole avec une fidélité qui mettait ce simple au-dessus de bien des gens d’une mentalité moins embryonnaire que la sienne. Dans ce cerveau confus, une notion, très clairement, se dégageait des brumes : celle de la reconnaissance. Il comprenait que Marie l’avait sauvé de ce qu’il redoutait plus que la mort : les gendarmes et la prison ; que Ma-