Page:Puyjalon - Les hommes du jour Joseph Marmette, 1893.djvu/10

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« — Cessez le feu ! commanda l’officier.

« Un aide-de-camp accourait.

« — Qu’on encloue les pièces, cria-t-il, et qu’on se prépare à battre en retraite ! Une demi-heure pour enterrer les morts !

« M. de Lévis venait d’apprendre que Vauquelain, écrasé par le nombre, avait eu nos derniers vaisseaux foudroyés par l’Anglais.

« C’était l’espérance suprême que nous arrachait le ciel. »

Ne vous semble-t-il pas assister à ce drame poignant et glorieux ? Mais voyez plus loin. Lisez encore.

« Les funérailles terminées, le sergent qui soutenait la veuve voulut l’arracher du bord de la fosse, maintenant comblée, où la malheureuse semblait voir encore celui qui pour toujours dormait dans la terre des braves.

« Mais elle résistait.

« — Ma pauvre dame, vous ne pouvez pas rester ici, dit-il ; voici que la retraite a commencé.

« Elle remua la tête, mais ne bougea point.

« — Où demeurez-vous ?

« — À l’Ange-Gardien, murmura-t-elle.

« — Mais comment allez-vous faire pour y retourner ?

« — Je ne sais pas, moi. Avant de me tuer mon mari et le père, ils avaient brûlé notre maison… Je n’ai plus rien au monde.

« — Et votre enfant ? dit la voix grave du prêtre.

« — Ah ! C’est vrai ! s’exclama la mère en embrassant son fils.

« — Sergent, dit l’aumônier, vous allez la conduire jusqu’aux premières maisons de Sainte-Foye. Elle y trouvera bien un asile jusqu’à ce qu’elle puisse retourner vers ceux qui la connaissent.

« Quelques instants plus tard, l’arrière-garde, qui couvrait la retraite, tournait le dos à la ville et s’engageait à son tour sur la route enténébrée de Sainte-Foye. Soutenue par son guide, la mère, emportant son fils, s’en allait avec eux… »

Celui qui a écrit les lignes qui précèdent doit sentir profondément ce qu’il excelle à si bien faire vibrer chez les autres.

Il a su s’identifier à tel point avec son sujet, qu’il a vu ce qu’il nous raconte, qu’il a éprouvé les douleurs qu’il nous décrit.

Ce sont là, à mon sens, des qualités qui, dans le roman historique, prennent avantage sur toutes les autres.

Certes, la correction et le style sont deux fort belles choses, que je