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RÉCITS DU LABRADOR

par le Manitou ! Le fait suivant prouvera à quel point ils sont pénétrés de la présence et de l’action de l’esprit du mal.

Pendant l’hiver de 1885-86, une jeune sauvagesse de seize à dix-sept ans, après une courte indisposition, fut saisie d’une sorte de délire inexplicable et se mit à refuser toute nourriture, menaçant ses compagnons de les tuer et de se repaître de leur chair ensuite, s’ils ne se hâtaient de la tuer elle-même. Dans la rage étrange qui la possédait elle se mordait et se déchirait les bras. Après quelques hésitations, son père cédant aux sollicitations de son infortunée fille se décida à la tuer. Il chargea son fusil à balle ordinaire et tira sur elle à bout portant. Il ne l’atteignit pas et la jeune fille, se mettant à rire, le pria de faire une nouvelle tentative avec un projectile béni. Le père souscrivit à cette demande, chargea son arme avec les fragments d’une croix d’argent empruntée à une vieille sauvagesse de la famille et tira de nouveau sur sa fille qui, cette fois, fut tuée sur le coup. Son corps que l’on croyait possédé du démon fut brûlé pour en chasser l’esprit malin et ses cendres furent transportées et enterrées sur le bord de la mer.

Malgré cet épisode si dramatique et la vie contemplative qu’ils semblent avoir