Page:Puyjalon - Récits du Labrador, 1894.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
RÉCITS DU LABRADOR

— J’ai faim, dit-il, avez-vous quelque chose de bon à m’offrir ?

— J’ai lièvre et perdrix, voire même une truite, si le cœur vous en dit, et, par-dessus le tout, une goutte d’un whiskey suave.

— Un coup ! C’est parfait. J’en prendrais bien un de suite, si vous le vouliez ?

J’atteignis ma bouteille sans mot dire et la lui passai.

Il se versa une rasade de laïque sans scrupule, et la but d’un trait.

— Ça va mieux, dit-il, et maintenant j’ai envie de faire un somme, pendant que vous allez préparer le dîner. Vous me pardonnez, n’est-ce pas ? Puis, s’étendant sur le lit de sapin, il s’endormit sur-le-champ.

Je me mis en devoir de confectionner le repas, et, pendant que cuisaient les perdrix et que bouillait l’eau destinée à infuser le thé, je regardais dormir mon ami.

L’abbé N… est un jeune homme ; à peine a-t-il trente-trois ans.

Petit de taille, mais bien pris, brun de cheveux et de barbe, l’œil bien ouvert, le regard franc et décidé. Pendant qu’il dormait, je me demandais vainement quel pouvait être le motif qui l’avait poussé à faire quinze ou vingt lieues en plein bois pour venir me rejoindre, et par un temps pareil. La tempête durait depuis trois jours. Il avait dû coucher à la belle étoile, n’ayant,