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RÉCITS DU LABRADOR

Dieu interromprait certainement mon existence avant que fût achevée l’œuvre que j’avais entreprise.

Tout en rêvant ainsi, j’avais fait du chemin et le soleil baissait à l’horizon. L’heure du campement allait sonner.

Je me dirigeai vers le fond d’une baie longue et étroite, très rapprochée de moi, où je parvins en peu de temps. J’atterris sur le sable, montai mon canot au plain et dressai mon humble campement.

Après avoir étendu sur le sol de nombreuses branches flexibles de sapin odorant, j’allumai mon feu de veille et me couchai pour me livrer plus à l’aise aux pensées qui avaient abrégé la longueur de ma route.

En face de moi s’étendaient calmes et déjà sombres les eaux de la baie où je devais séjourner une nuit. Sur le rivage opposé campait, sur le plus haut du plain sablonneux, limité vers la terre par d’énormes escarpements granitiques, une famille de sauvages montagnais, dont je distinguais à peine les silhouettes atténuées par l’ombre.

Peu à peu, tout devint vacillant, indécis, confus, se perdit dans l’obscurité, et bientôt, mes pensées elles-mêmes ondoyèrent avec les objets environnants.

Seul, le feu de mes voisins, quoiqu’il me