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RÉCITS DU LABRADOR

parût prodigieusement éloigné, était resté nettement perceptible à mes yeux fatigués et à mon intelligence engourdie.

Combien de temps restai-je ainsi, dans cet état d’anesthésie étrange qui n’est ni la veille ni le sommeil ? Je ne saurais le dire.

J’en fus arraché par les éclats d’une lumière intense, dont l’étincelle électrique la plus vive serait impuissante à donner la plus faible idée. Le pauvre foyer des Montagnais s’était transformé et c’est de lui que s’échappait le flot de lumière étincelant qui venait de frapper mes regards.

L’énergie de ce foyer était telle que le rayonnement de ses ondes pénétrait la muraille rocheuse et me permettait d’en distinguer les parties intégrantes.

Sous l’influence de cette lumière inouïe, les transformations les plus singulières s’accomplissaient. Je voyais distinctement les granites, les gneiss et les micaschistes se décomposer en leurs éléments. Les feldspath ondulaient en laves prodigieuses, les quartz coulaient en fleuves d’une limpidité parfaite et les micas recouvraient d’un dôme cristallin et flexible toute cette matière liquéfiée. Au centre de ces ondes minérales apparaissaient de nombreuses taches aux teintes ardentes et variées, de nombreux filons liquides éclatants.