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NOTES DE VOYAGE

turel, pour qu’ils renoncent à leur héritage de poésie. Les bardes cesseront de chanter et ils auront vécu, le jour où réussira la civilisation moderne à éteindre cet ardent amour de l’idéal dont la nature a doué les peuples celtiques.

D’après une théorie qui a fait son tour du monde, toutes les races ont eu à se partager entre elles un héritage commun de traditions. Dans toutes les littératures orales on reconnaît à peu près les mêmes mythes, les mêmes contes, les mêmes légendes. j*ar suite, toutes les chansons de France et d’Espagne, et d’ailleurs, devraient se ressembler. Cette doctrine a du bon sans doute. Elle aide à comprendre comment on découvre, sous des latitudes si différentes, entre des nations qui vivent séparées depuis des milliers d’années ou dont la rencontre n’aurait laissé nulle autre trace, des instincts, des croyances cl des récits similaires, la même humanité partout. Mais celle lliéorie a le tort de quelques autres, d’être contestée par la pratique. Les peuples du Nord no conçoivent pas le même rêve, sous leur rude ciel, que les nations dont l’enfance s’est écoulée ou la vie développée sous un soleil bienfaisant. Les’ Celtes cl les Scandinaves ne sont pas entrés, comme on dit, par la même route que les Latins dans le domaine de l’idéal. Aussi bien,une chanson dcMalaga ou de Palcrme n’aura rien de commun, malgré l’analogie des sujets, avec un chant gallois ; les mélodies méridionales ont souvent des complications ou des longueurs que ne connurent jamais les bardes cl les scaldes du Nord. M. Gaston Paris établit * que lo fonds de la chanson française est resté celtique. 11 y a même lieu de penserquc plus de peuples qu’on n’avait cru jusqu’ici, en Europe, ont encore ces mêmes origines ; ce fonds celtique s’étend bien au delà du groupe français, et il est probable qu’on en retrouverait les traces n’importe où les Latins ont remplacé les Celles et ont paru au bout de tant de siècles absorber ces populations antérieures. N’y aurait-il pas un intérêt de premier ordre, pour

1. Conférence du 3 juin 1S8S, an Cercle Saint-Simon.