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NOTES DE VOYAGE

affirmer, seulement, que la même chose ne se dit pas, ou que le même événement no se raconte guère, sous la double forme du chant cl du récit ; ce qui est tombé dans le domaine de la narration prosaïque est par cela même exclu désormais de la chanson. Les choses qui louchent au surnaturel, les faits dont la date est perdue, passent dans la légende et dans le conte *, les actions des contemporains restent à fapprécialion des chanteurs et des bardes. Très peu do chansons en Bassc-Bretagne remontent à plusieurs siècles ; à part deux ou trois, Lémbré, La Fontenetle, les gwerz qu’a transmis la tradition orale ne sc rapportent pas à des époques absolument disparues, et la raison en est que le peuple écoule avec jndilTércncc et laisse peu à peu tomber dans l’oubli ce dont il n’a pas retenu le sens. C’est vrai que le chanteur n’éprouve pas le besoin de comprendre toujours ce qu’il dit ;il répète sincèrement une leçon apprise par cœur : tant pis, s’il a entendu de travers. Parfois il en résulte de singulières variantes. Voici deux couplets, dans une histoire de naufrage que je tiens de Y von Le Guluchc, un couvreur de La Roche :

Erwüan ar Bouc’her a lere, eunn dcn a gourach vad
Fini ben 1er gwecb 1er gwech war bord he vag...

An cuz laret d’ar Bouc’her a oa beuet he vag
Ha fraillet dre ann anter e bord aiin enez Koat.

Yves Le Boulier disait, un homme de bon courage, — qui se leva
par trois fois, trois fois sur le bord de son bateau...
Il a dit a Le Bouhcr que son bateau était noyé — et fendu par la
moitié près île l’île Coat,

Une autre version, qui est la bonne, dit, au lieu de Erwoan ar lïmic hev, — Pipi ar Bouder (Pierre Le Bouder). D’après Le Guluche, le matelot Le Bouhcr, qui a péri, et le patron de la barque, à qui l’on annonce le sinistre, seraient un seul cl même homme : c’est qu’« on avait chanté comme cela, » devant le couvreur de La Roche-Derrien.

Celte désuétude ne tombe pas exclusivement sur la longue complainte ou la cantilène historique ; le sonn lyrique, ou