Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/101

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Item. Considérant que cette secte infernale de rimeurs, dépeceurs de mots et destructeurs de raison, condamnés à rêver continuellement, a communiqué aux femmes la maladie de poésie : nous déclarons qu’au moyen de ce mal dont nous les avons infestées, nous nous tenons quittes envers elles, pour celui qu’elles nous ont fait au commencement du monde ; et vu que ce monde est pauvre et nécessiteux, nous ordonnons de brûler les couplets des poètes, comme de vieilles franges, pour en tirer l’or, l’argent et les perles, parce que dans leurs vers ils font leurs dames de ce qu’il y a de plus rare et de plus précieux.


Le sacristain ne put pas tenir contre ceci. « Qu’on nous ôte plutôt, s’écria-t-il, notre bien. N’allez pas plus avant, car je veux appeler contre cette Pragmatique, non pas à la Chambre des Quinze Cents, mais à mon Juge naturel, pour ne rien faire au préjudice de mon habit et de mon caractère. Oui, j’y mangerai tout ce que j’ai vaillant ! Il serait plaisant qu’étant ecclésiastique je souffrisse cet outrage ! Je prouverai que les couplets d’un poète ecclésiastique ne sont pas sujets à une pareille pragmatique, et je veux que cela soit constaté en justice. » Il me prit une envie de rire démesurée, mais comme je ne voulais pas m’amuser, parce que j’étais pressé, je lui dis : « Monsieur, cette pragmatique est une pure badinerie ; elle n’a ni force ni vigueur, n’étant nullement autorisée. » — « Ô pauvre pécheur que je suis ! reprit-il avec vivacité. Vous me tirez de la plus