Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/144

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demandait qu’on l’aidât à mettre son pourpoint, et au bout d’une demi-heure, il n’avait pas encore réussi à se l’ajuster. Cela fini, ce qui était curieux à voir, ils prirent tous du fil et une aiguille pour faire quelques points aux déchirures et ailleurs. Celui-ci, pour se bousiller le dessous du bras, se mettait comme une L. Celui-là, pliant les genoux et formant le chiffre cinq, raccommodait les canons de sa culotte. Un autre, pour plisser les entrecuisses, y portait la tête et formait un peloton. Enfin Bosco n’a pas dépeint des postures aussi extraordinaires que j’en ai vues tandis qu’ils cousaient, et que la vieille leur donnait les matériaux qui étaient des chiffons et des haillons de différentes couleurs, dont elle avait fait la récolte le samedi. L’heure du raccommodage (car c’est ainsi qu’ils l’appelaient) étant finie, ils se montrèrent les uns aux autres ce qui pouvait être mal réparé, et se disposèrent à sortir.

Je les priai de déterminer l’habillement que je devais prendre, parce que je voulais y employer mes cent réaux et quitter la soutane. « Ce n’est pas cela, dirent-ils, qu’il convient de faire ; il faut que l’argent soit mis en dépôt ; et habillons-le sur-le-champ de ce qui est en réserve, en lui marquant dans la ville un quartier où il aille seul quêter et gruger. » Cela me parut bien. Ainsi je déposai l’argent, et en un instant ils me firent de ma soutane un habit de deuil, et raccourcirent le manteau long de manière qu’il se trouvât comme il le fallait. Ce qui restait de celui-ci, ils le troquèrent contre un chapeau reteint,