Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/204

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tous deux, me laissant étendu par terre, et disant : « C’est ainsi que l’on traite les coquins de menteurs et la vile canaille ! » Je me mis à crier, demandant un confesseur, et comme j’ignorais d’où cela me venait, quoique je soupçonnasse, à l’adieu qu’on m’avait fait, que c’était peut-être l’hôte de la maison d’où j’étais sorti comme enlevé par l’Inquisition, ou le concierge de la prison dont je m’étais moqué, ou mes camarades fugitifs. Car enfin je pouvais attendre ce traitement de tant d’endroits, que je ne savais à qui l’attribuer, ne me défiant d’ailleurs nullement de Don Diégo, et ne pouvant par conséquent m’imaginer ce que c’était. J’eus recours aux cris. La justice accourut. On me releva, et voyant que j’avais au visage une grande estafilade, que j’étais sans manteau, et hors d’état de pouvoir donner aucun éclaircissement sur ma malheureuse aventure, on m’emporta pour me faire panser. On me déposa d’abord chez un barbier qui visita mes plaies et fit son métier. Après quoi on me demanda ma demeure, et l’on m’y transporta. Je me couchai, et je restai cette nuit confus et pensif, considérant que j’avais le visage coupé en deux, le corps tout meurtri de coups, et les jambes dans un tel état que je ne pouvais pas me soutenir dessus. Ainsi je me trouvais battu, volé, et réduit au point de ne pouvoir aller rejoindre mes amis, ni poursuivre mon mariage, ni rester à Madrid, ni en sortir.