Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/236

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conséquence si bien le jargon des ruffians et des souteneurs qu’en peu de temps je devins leur rabbin.

La Justice cependant nous cherchait et, quoiqu’elle rôdât autour de l’église, cela ne nous empêchait pas de sortir de nuit travestis, et de courir les rues. Ennuyé néanmoins d’être si longtemps dans la gêne, et de voir que la fortune ne cessait de me persécuter, je me déterminai, moins par principe de sagesse (car je ne suis pas si prudent) que par lassitude, comme un pécheur obstiné, à quitter le pays. Je me décidai, après en avoir conféré avec ma Grajalis, à passer aux Indes, espérant que mon sort deviendrait meilleur dans un autre monde. Mais je me trompais. Il fut encore pire, parce qu’il ne suffit pas à l’homme de se transplanter, pour que son état se bonifie ; il faut encore qu’il change de vie et de mœurs, quand elles sont dépravées, et changer est une chose presque impossible à l’homme familiarisé avec le crime, et qui s’y est endurci.