un jour je ne sais quoi, qui donnait à entendre qu’on le soupçonnait d’être descendu de race juive. Pour cet effet, il avait une petite boule de fer, percée à jour comme un sablier ; il l’ouvrait, la remplissait de morceaux de lard, puis la refermait et la suspendait dans le pot au bout d’une ficelle, afin de donner par les trous du goût au bouillon et de pouvoir garder le lard pour un autre jour. Dans la suite, il lui parut que cela lui coûtait encore trop ; ainsi il prit le parti de présenter seulement le lard au bord du pot, en le comprimant un peu pour en faire découler quelques gouttes de jus.
Nous vivions ainsi, Dieu sait comment. Enfin, nous nous vîmes, Don Diégo et moi, si fort épuisés, que ne sachant que faire pour avoir à manger, nous cherchâmes, au bout d’un mois, un prétexte pour ne pas nous lever matin. Nous imaginâmes de nous supposer quelque incommodité, mais nous ne parlâmes pas de fièvre, parce que ne l’ayant point, l’imposture aurait été facile à reconnaître. Un mal de tête ou de dents aurait été aussi un faible obstacle. Nous dîmes donc que les boyaux nous faisaient mal et que cela provenait de ce que depuis trois jours nous n’avions pas été à la selle. En prétextant cette incommodité nous nous persuadions que, pour ne pas dépenser deux sous, Cabra ne chercherait pas à nous donner du soulagement. Mais le diable en ordonna tout autrement. Cet homme était fils d’un apothicaire, et avait hérité de lui une recette. Aussi, dès qu’il sut la cause de l’indisposition, il pré-