Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/60

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Je levai aussitôt la tête, et je demandai ce que c’était. Mais à peine me fus-je découvert, qu’ils me fustigèrent les épaules avec une grosse corde pleine de nœuds. Je commençai à me plaindre, et je voulus me lever. Cependant les cris de l’autre continuaient, mais les coups étaient pour moi seul. J’eus beau m’écrier : « Justice de Dieu ! » les coups tombaient si drus sur tout mon corps, parce qu’ils avaient jeté en bas les couvertures, qu’il ne me resta d’autre ressource que de me glisser sous le lit. Au même instant d’autres, qui dormaient, s’éveillèrent, poussant aussi des cris, et comme j’entendais toujours retentir le bruit des coups de fouet, je crus que quelqu’un du dehors nous maltraitait tous de la sorte. Quand je me fus fourré sous le lit, le domestique qui était proche de moi se mit dedans, y satisfit certain besoin de nature, en ressortit, et le recouvrit bien. Il repassa ensuite dans son lit, et les coups de fouet ayant alors cessé, ils se levèrent tous quatre en criant comme des gens furieux : « Quelle méchanceté ! Cela ne se passera pas ainsi. » Pour moi je me tenais toujours sous le lit, me plaignant comme un chien pris entre deux portes, et j’y étais aussi recoquillé qu’un lévrier qui a la crampe. Les autres firent comme s’ils fermaient la porte, et pour lors je me tirai de mon asile et je remontai dans mon lit, en leur demandant si par hasard on leur avait fait mal. À quoi ils me répondirent tous qu’ils étaient moulus de coups.

M’étant recouché et couvert, je me rendormis, et comme je me remuai pendant le sommeil, je me trouvai