Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/61

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à mon réveil sali jusqu’aux reins. Tous les autres se levèrent, et moi, feignant d’être incommodé des coups de fouet que j’avais reçus, je pris de là prétexte de ne me point habiller. Les diables ne m’auraient pas fait remuer d’un côté ni d’autre. J’étais confus, ne sachant si j’avais fait cette vilenie sans le sentir, en dormant, ou dans la crainte et le trouble que j’avais éprouvés. Enfin je me trouvais innocent et coupable sans pouvoir me disculper. Mes camarades s’approchèrent de moi en se plaignant et me demandèrent d’un air affectueux comment je me trouvais. Je leur répondis que je me sentais fort mal de la multitude des coups de fouet qu’on m’avait donnés. Je les questionnai aussi à mon tour sur ce que ç’avait pu être, et ils me dirent : « Nous le saurons certainement ; le Mathématicien nous l’apprendra. Mais laissons cela à part pour le présent ; voyons si vous n’êtes pas blessé, car vous vous plaignez fort. » Ils se mirent en même temps en devoir de lever la couverture, à dessein de me faire honte.

Sur ces entrefaites mon maître entra, en disant : « Est-il donc possible, Pablo, que je n’aie aucun pouvoir sur toi ! Il est huit heures et tu es encore au lit ! Lève-toi, maraud ! » Les autres, feignant de vouloir m’excuser, lui racontèrent toute l’aventure et le prièrent de me laisser dormir. Un d’eux me disait : « Si Monsieur en doute, levez-vous, mon ami. » Il saisit aussitôt la couverture, et moi je la tenais serrée entre les dents, pour ne pas montrer l’ordure qui était dans mon lit. Quand ils virent qu’ils ne pouvaient