Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/82

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moi principalement, car enfin je suis ministre du roi, et de pareils parents ne me vont pas.

« Tes pères ont laissé ici, mon fils, je ne sais quelle somme cachée. Elle se monte peut-être en tout à quatre cents ducats. Je suis ton oncle, ce que j’ai doit être pour toi. Au vu de la présente, tu pourras venir ici ; avec ce que tu sais de latin et de rhétorique, tu te rendras recommandable dans l’art de Maîtres des hautes-œuvres. Réponds-moi sur-le-champ, et, en attendant, que Dieu te garde !

» À Ségovie, etc. »

J’avoue que je sentis vivement ce nouvel affront. Cependant je me félicitai en partie ; car tel est l’effet des vices dans les parents qu’ils consolent les enfants des disgrâces qui leur arrivent, quelques grandes qu’elles soient. Je courus trouver Don Diégo, qui lisait la lettre de son père, lequel, informé de mes espiègleries, le rappelait auprès de sa personne et lui mandait de ne pas m’emmener avec lui. Il m’apprit son départ, et ce que son père lui marquait à mon sujet, me témoignant le regret qu’il avait de me laisser, séparation à laquelle j’étais plus sensible que lui. Il m’offrit de me placer domestique auprès d’un autre gentilhomme son ami. Mais je lui dis en riant : « Seigneur, je suis à présent tout autre, et j’ai bien d’autres projets. Je porte mes vues plus haut, il me faut quelque chose de plus distingué, parce que s’il a été vrai de dire jusqu’à présent que j’avais, comme tout autre, ma pierre dans le rond, j’y ai encore aujourd’hui mon père. » Je lui racontai comment