Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/86

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si je ne craignais de vous ennuyer, je vous apprendrais ce que c’est. Mais on le saura, puisque je compte le faire imprimer, avec d’autres petits ouvrages dans lesquels je fournis au roi le moyen de gagner Ostende de deux manières. » Je le priai de me les enseigner, et cet homme, tirant alors des papiers de sa poche, me montra peints le fort de l’ennemi et le nôtre, en me disant : « Vous voyez que toute la difficulté consiste dans ce petit bras de mer. Eh bien, j’ordonne de le dessécher avec des éponges, et de l’ôter de là. » À cette extravagance j’éclatai de rire, et lui, me regardant en face : « Je n’en ai parlé à personne qui n’ait fait comme vous, tant la chose fait plaisir à tout le monde. » – « Je n’en doute pas, répliquai-je, quand on entend une chose si neuve et si bien pensée. Mais, ajoutai-je, prenez garde, Monsieur, que l’eau étant alors ainsi tarie, la mer y en jettera tout autant. » — « La mer ne fera point cela, me répondit-il. J’y ai bien réfléchi, car j’ai imaginé cette invention pour creuser la mer de ce côté là, et lui donner douze stades de plus de profondeur. » Je n’osai rien répliquer, de peur qu’il ne me dit qu’il avait aussi un expédient pour faire descendre le ciel ici-bas. Je n’ai jamais vu de ma vie un si grand fou. Il disait que Juanelle n’avait rien fait, qu’il projetait à présent de faire monter d’une manière bien plus facile toute l’eau du Tage à Tolède. Et, sur ce que je lui demandai comment, il me répondit que ce serait par enchantement. Enfin il ajouta : « Je ne prétends pas le faire, si le roi ne me donne une commanderie, car je puis