Page:Quicherat - Mélanges d’archéologie et d’histoire, 1886.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

En 1242, les Tartares ayant envahi les provinces danubiennes, la nation hongroise presque tout entière fut forcée d’émigrer. Elle revint l’année suivante, expulsa ses vainqueurs, mais ne trouva plus que des ruines à la place où ses villes avaient existé. Strigonie surtout, Strigonie, la capitale et l’ornement de l’empire, avait été comme effacée du sol. C’est à la restauration de cette grande cité que Bela, qui régnait alors sur les Hongrois, commença par appliquer toutes ses ressources. Il tâcha de lui rendre sa splendeur, son animation, sa physionomie toute européenne, car au moment de l’invasion, elle était peuplée presque exclusivement de Français et d’Italiens[1]. Entre autres monuments, il y fit construire, pour les frères mineurs chez qui il avait élu sa sépulture, une somptueuse église sous l’invocation de la sainte Vierge[2].

Ignorant l’année précise de la construction de Notre-Dame de Strigonie, je ne me hasarderai point à y faire intervenir Villard de Honnecourt ; mais il est impossible de ne pas voir de relation entre son voyage et tant de travaux entrepris pour réparer les ravages des Tartares. Je suppose, en conséquence, qu’il partit pour la Hongrie en 1244, après délivrance complète du pays. De son aveu, il y fit un assez long séjour :la u je mes maint jor. Deux ou trois ans justifieraient l’expression qu’il emploie. Donc, de retour en france vers 1247, il aurait annoté son album lorsqu’il n’était pas encore question de reprendre, à la cathédrale de Cambrai, les travaux qui furent terminés en 1251. Probablement qu’il était alors sur le déclin de sa vie ou à la veille de se retirer du monde, puisqu’il se séparait de ses instruments de travail.

Le voyage de notre auteur en Hongrie pourrait donner lieu encore à d’autre aperçus :

1° Le roi Bela était frère d’Élisabeth de Hongrie, princesse très dévote à Notre-Dame de Cambrai, et dont les offrandes servirent précisément à payer les travaux de reconstruction commencés au transept de ladite église en 1227, sous la direction présumée de Villard de Honnecourt.

2° Élisabeth de Hongrie mourut en 1231, fut canonisée, et devint l’objet d’un culte particulier à Marbourg où elle avait reçu la sépulture. Là, sous son invocation, fut construite en 1235 une magnifique église, la première, de l’aveu des archéologues, que l’Allemagne ait vue s’élever dans le style purement gothique ou, pour mieux dire,

  1. Rogerii Varadicusis, De destructione Hungariæ per Tartaros.
  2. Johannes de Thworez, Chronicon Hungarorum.