Page:Quicherat - Mélanges d’archéologie et d’histoire, 1886.djvu/298

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Villard de Honnecourt n’a pas toujours réussi à produire du premier coup des ensembles aussi satisfaisants. D’ordinaire ses préparations sont maladroites et disgracieuses ; sans doute parce que la recherche de la pose préoccupait plus qu’elle n’a fait ici. L’attitude de son personnage est en effet de celles qu’il devait savoir par cœur, à en juger par la quantité d’analogues qu’on retrouve dans les monuments figurés du XIIIe siècle. Mais indépendamment de cela, ce qu’il importe de remarquer, c’est le visage de la femme indiqué par un cercle, ce sont ses mains réduites en polygones, c’est la forme du chien qui est comme taillé à facettes.

La fig. 1 de la pl. IX est un dessin fini. Je ne ferai pas honneur à Villard de Honnecourt de la belle expression dont elle est empreinte, puisque j’ignore si c’est lui qui l’a composée ; mais à ne voir que l’œuvre du dessinateur, il est impossible de na pas trouver digne d’éloge la manière dont sont rendus la chevelure et les draperies. Malgré leur nombreux détails, elles n’ont rien fait perdre à la pose de sa souplesse, et la vérité de l’ajustement domine l’attention au point de dissimuler de très grands défauts d’emmanchement et de perspective. A côté de cela, il y a dans le pied, le seul nu qui apparaisse, une pauvreté d’exécution telle qu’on ne dirait plus l’ouvrage de la même main. Tout y manque, la proportion, la correction, le sentiment. C’est une pièce de rapport, une réminiscence des formes enseignées par la méthode géométrique.

Les remarques qu’on vient de faire s’appliquent à toutes les grandes figures de l’album. Elles offrent toutes ce contrastes de draperies extrêmement bien traitées à côté d’une imperfection choquante des nus. Manquer les formes du corps était pour Villard de Honnecourt quelque chose de constant et, pour ainsi dire, de fatal. Ce défaut lui est-il particulier ou n’a-t-il pas été plutôt celui de son siècle ?L’habitude du tracé géométrique est-elle ce qui a rendu si faible dans une partie du dessin des artistes qui se tiraient de l’autre avec un incontestable talent ?Voilà des questions qui pourraient se présenter ici, mais que je laisse à d’autres le soin de traiter, ne voulant que mettre au jour les faits positifs qui ressortent de mon manuscrit.

3. Études d’après l’antique. — Des écrivains et des archéologues ont nié de nos jours que les artistes du XIIIe siècle se fussent inspirés de l’antique, les uns, parce qu’ils ne trouvaient pas dans leurs œuvres la marques d’une telle imitation ; les autres, parce qu’ils supposaient qu’un préjugé pieux devait rendre abominables ou au moins indifférents à leurs yeux des modèles profanes. La pratique de Villard de Honnecourt