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Page:Quincey - Confessions d'un mangeur d'opium, trad. Descreux, 1903.djvu/42

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CONFESSIONS

l’économie organique. En troisième et dernier lieu, cela se fit-il… Oui, réponds-je, dans mon empressement passionné, avant que la question soit finie… sous l’impulsion soudaine et toute-puissante qu’exerçait une souffrance corporelle ? Je répète à haute vols, oui, je le redis avec force, avec indignation pour répondra à une opiniâtre calomnie. Ce fut comme à un simple analgésique, et par la seule violence de la douleur la plus cruelle, que j’eus pour la première fois recours à l’opium, et il s’agissait justement de cette même douleur, ou de quelqu’une de ces variétés qui entraînent la plupart des gens à l’emploi de cet insidieux remède. Voila le fait, voila l’occasion. Si, dès le principe, j’avais connu les subtiles énergies contenues dans cette puissante substance, et dont l’emploi bien réglé a pour effets, — 1o de calmer toutes les irritations du système nerveux, 2o de stimuler les dispositions gaies, 3o de répondre à l’appel d’un effort extraordinaire, comme les hommes en trouvent des occasions fréquentes, et de soutenir pendant vingt-quatre heures de suite, les forces animales, qui sans cela diminueraient par degrés, — très certainement j’aurais débuté dans l’usage l’opium, en appelant un supplément extérieur de force et de joie, au lieu de m’y jeter pour fuir une torture extérieure. Et pourquoi non ? Si c’est là une faute, n’est-ce pas aussi une faute que commettent tant de gens, et tous les jours, avec l’alcool ? Sommes-nous autorisés à le regarder seulement comme un remède ? Le vin est-il permis simplement à titre d’analgésique ? Je pense que non ; autrement je serais obligé de mentir et de prétexter un tic anormal dans mon petit doigt, et ainsi comme dans une Métamorphose d’Ovide, moi qui suis un amant de la vérité, je deviendrais, jour par jour et pouce par pouce, un trompeur. Non, toute l’humanité proclame qu’il est permis de boire du vin sans donner pour excuse un certificat du médecin. Ce qu’on a le droit de chercher dans le vin, on a sûrement le même droit de le trouver dans l’opium, à plus