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Page:Quincey - Confessions d'un mangeur d'opium, trad. Descreux, 1903.djvu/9

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III
PRÉFACE DU TRADUCTEUR

bilité de faire autrement. Tout homme qui en use est regardé ipso facto comme un chercheur de paradis artificiels, comme poursuivant la volupté physique dans ce qu’elle a de plus intense et de plus raffiné, enfin comme lui donnant ce raffinement suprême qui consiste à la rendre purement intellectuelle.

Une cause qui contribue à augmenter ces préventions, c’est la crainte qui est venue à quelques esprits de voir l’opium remplacer l’alcool comme poison national et surtout connue poison populaire. M. Vereschagin, dont on connaît le talent et la sincérité tant comme artiste que comme explorateur, déclare que dans un avenir assez rapproché, cette substitution sera accomplie. En Angleterre, elle est fréquente, comme l’a démontré Th. de Quincey lui-même, non seulement parmi les hautes classes, mais encore dans les grands centrer ouvriers. Alphonse Esquiros nous apprend que le laudanum, c’est-à-dire un liquide capable d’ajouter aux effets de l’opium ceux d’un alcool très concentré, est employé couramment à Liverpool par les ouvrières qui ont de jeunes enfants afin de pouvoir travailler dans les ateliers en laissant leurs enfants à la maison. L’on dirait que la Chine, à qui l’Angleterre a imposé manu militari l’usage de l’opium, se venge de sa défaite par un talion rigoureux et exact comme une loi de la nature. La France même, qui a été quelque peu complice de cette violence, n’est pas à l’abri de l’invasion. Les études de M. Charles Riche ont prouvé la diffusion du morphinisme, qui est une forme plus subtile et plus dangereuse encore de l’opiomanie. Et nous ajouterons