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DU MANGEUR D’OPIUM

imposante beauté. Néanmoins en ce temps lointain aucun défaut ne me choqua, ne troubla mon plaisir, à cela près qu’après tout un jour de voyage (il nous fallut tout ce temps-là pour aller d’Holyhead à Llangolen) je remarquai non sans ennui le manque d’eau. De Conway à Bangoa nous eûmes toujours la mer en vue, mais nous n’aperçûmes guère d’eau douce, pas un lac, pas d’autres cours d’eau que des ruisseaux. C’est là certainement un défaut remarquable dans le pays de Galles du Nord pour qui y cherche la beauté du paysage. Les quelques lacs que j’ai vus depuis, comme celui qui avoisine Bala, celui des environs de Beddkelert, celui qui se trouve plus loin que Machynleth, n’ont rien d’attrayant soit dans leur forme soit dans leur cadre ; le lac de Bala est pauvre, insignifiant, les autres ont l’air de n’avoir pas été terminés et de n’avoir pas encore reçu leur ameublement de forêts.

À la Tête (pour employer l’expression courante[1]) nous fûmes retenus quelques jours par les vents contraires, en ces temps-là où la navigation à vapeur était inconnue. Néanmoins nous ne souffrîmes pas trop du désœuvrement, grâce à l’hospitalité d’un certain capitaine Skinner, qui habitait cet endroit, bien que nous fussions en quelque sorte emprisonnés sur un morne rocher. En effet Holyhead forme une petite île rocheuse distincte dépendante d’Anglesea, qui à son tour est une dépendance du pays de Galles septentrional. Les commandements des paquebots de cette station étaient des emplois lucratifs, et on les donnait (peut-être, les donne-t-on encore), aux capitaines

  1. La tête d’un lac est le point où y pénètre le principal cours d’eau qui le traverse. (Note du traducteur.)