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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

de Galles. À la station suivante nous arrivâmes à la célèbre vallée de Llangolen : nous y parvînmes vers le coucher du soleil par une belle soirée de juin. Je me trouvais au milieu des montagnes. C’était un trait du paysage dont je puis bien dire que j’avais faim et soif depuis mon enfance. Jamais en ma vie je n’ai été aussi vivement désappointé dans mon attente, et je puis ajouter que jamais plaisir n’a été moins altéré, moins fané par une continuelle expérience. Une région montagneuse où les villes sont en petit nombre, où elles ont même un caractère pastoral, et une faible population, voilà quelles étaient les conditions où j’allais vivre sans interruption. Les montagnes du pays de Galles s’élèvent à peu près à la même hauteur que celles du nord de l’Angleterre, trois mille et quelques cents pieds sont le niveaux maximum qu’elles atteignent. Généralement parlant, chacune d’elles a des formes moins pittoresques, et elles sont moins heureusement groupées que leurs sœurs anglaise. Je dois aussi à M. Wordsworth d’avoir remarqué, depuis, un grave défaut dans la structure des vallées galloises : il consiste en ce qu’elles ont généralement la forme d’un bassin. Toutefois je ne m’en aperçus pas lorsque je vis pour la première fois le Pays de Galles, bien que mon attention eût dû être éveillée au premier coup d’œil par le contraste frappant qu’offrent dans leur forme tout opposée les vallées du Cumberland et du Westmoreland : elles représentent presque sans exception sous l’aspect d’une plaine horizontale commençant à la base des hauteurs qui les environnent, et pour employer l’expression de M. Wordsworth, elles forment le plancher d’un temple. Ce détail eût dû me frapper par son