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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

ment pourquoi il ne s’en produisait pas, sans renvoyer sur ce fait atroce un reflet d’atténuation.

Tout cela dûment considéré, il faut reconnaître que l’armée royale montra dans l’usage de sa victoire un esprit d’injustifiable violence. Mais il est pénible d’observer à quel point la panique agit pour exciter et irriter les instincts de cruauté et de violence sanguinaire même chez les êtres les plus doux. Je me souviens bien, à l’occasion des mémorables désordres qui eurent lieu à Bristol dans l’automne de 1831, que pour ma part, je ne pus lire sans horreur et indignation un fait rapporté officiellement, je crois, à cette époque, et qui pourtant fut chaudement approuvé de maintes dames qui avaient éprouvé leur part de panique. Je veux parler de la partie du rapport selon laquelle plusieurs dragons mirent pied à terre, donnèrent leurs chevaux à tenir à des gens qui se trouvaient dans la rue, et poursuivirent les malheureux fugitifs, l’attroupement dispersé, d’escaliers en escaliers, jusque dans leur dernière retraite. Les plus criminels de cette foule ne pouvaient être connus comme tels, et même la chose eût-elle été possible, une vengeance si infernale, si impitoyable ne se justifiait point par des incendies de maisons, ni par la création de paniques momentanées. Des scènes identiques purent se constater lors des premiers triomphes de la cause royale dans le Connaught, et sans Lord Cornwallis, qui se montra également ferme avant le succès, et modéré dans l’usage qu’il en fit, elles se seraient multipliées bien plus. Les pauvres rebelles furent pourchassés avec une férocité inutile à la reprise de Killala. Les vainqueurs poursuivirent avec tant d’ardeur les fuyards, que fuyards et