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DU MANGEUR D’OPIUM

soldats entrèrent ensemble d’un même élan dans les demeures épouvantées, et que plus d’une balle destinée à un rebelle, étendit mort un loyaliste. Dans ce cas, comme dans d’autres cas d’insurrection, il faut dire avec franchise que l’armée royale était formée principalement de régiments de milice. Un officier intelligent de l’armée royale assura à l’Évêque de Killala qu’il s’en était fallu d’un rien que cette armée ne fût battue. Un gentleman, qui prit part comme volontaire dans la cavalerie à cette journée, me dit que dans sa conviction absolue, un ordre des chefs rebelles ayant été mal compris, alors qu’il s’agissait de faire donner une réserve d’élite à un moment décisif, cette erreur avait sauvé sa troupe d’une défaite complète. On peut ajouter, d’après le témoignage unanime, qu’après la reprise de Killala les vainqueurs abusèrent de leur victoire non seulement contre les rebelles défaits, mais encore contre les loyalistes de la ville : « Les régiments qui vinrent à leur secours, étaient tous formés de miliciens. Ceux-ci semblaient se croire le droit d’emporter tout objet sur lequel ils pouvaient mettre la main, et de s’en servir comme s’il eût été à eux partout où ils en avaient besoin. Leur rapacité ne différait aucunement de celle des rebelles, à cela près qu’ils pillaient avec moins de cérémonies et d’excuses, et que les soldats de Sa Majesté étaient infiniment plus adroits voleurs que les traîtres irlandais. En conséquence les citadins furent bientôt las de leurs hôtes, et fort heureux de les voir en marche pour leur garnison. »

Les opérations militaires, dans cette courte campagne, firent fort peu d’honneur à l’énergie, à la vigilance et à la solidité de l’armée orangiste.