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DU MANGEUR D’OPIUM

dants de nature à justifier absolument la rébellion.

Je vais récapituler en quelques mots cette guerre civile, mais chaque mot doit être regardé comme tenant lieu d’un chapitre.

La guerre de séparation de l’Amérique ranima les ossements desséchés qui gisaient en attendant, en quelque sorte, pour reprendre vie dans tous les pays de la chrétienté. L’année 1782 amena cette guerre à son apogée, et ce fut cette même année qui vit paraître Grattan et les volontaires irlandais. Que l’Irlande ait vu sa propre situation réfléchie obscurément dans celle de l’Amérique, et que cette analogie ait agité l’esprit national, c’est ce que montre un fait remarquable qui se passa l’année suivante. En 1783, une pétition hautaine fût adressée au trône en faveur des Catholiques Romains par une association qui se donnait le titre de Congrès. Personne ne pouvait supposer qu’une dénomination aussi terriblement significative eût été adoptée par hasard, et la cour d’Angleterre y vit ce qu’elle contenait réellement, une insulte et une menace. Que se passa-t-il ensuite ? Ce fut la Révolution française. Pas de fibre qui ne s’émût à ce souffle, et les germes, jetés en Irlande pendant les dix dernières années, poussaient trop vite et avec une abondance trop désordonnée pour le bien de son état politique. Se cacher ou s’attarder, user de compromis, de temporisation, c’est ce qu’on n’eût pu obtenir à ce moment-là du tempérament ardent des Irlandais, si ce n’est grâce à la composition extraordinaire, ainsi qu’à l’organisation extraordinaire de la société secrète à laquelle était confiée la direction des affaires d’Irlande.

L’année 1792, nous dit-on, a vu naître, et l’an-