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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

la personne décrite par Miss Edgeworth sous le nom de Virginie, dans la dernière partie de sa Belinda. Comment cela se peut-il ? je ne prétends pas le dire ; il est certain qu’en ce pays Pamela fut amenée à commettre quelques sottises : par exemple on dit qu’elle alla à un bal sans souliers ou sans bas, ce qui semble indiquer la même sorte d’ignorance, la même docilité à céder aux impulsions du moment, qui caractérisent la Virginie de Miss Edgeworth. Je crois qu’elle était la fille du misérable Philippe-Égalité, et de cette abominable madame de Genlis qui avait été placée dans la famille de ce prince comme gouvernante de ses enfants, et en particulier de la sœur du roi actuel. Toute l’existence de Lord Edward avait été marquée par des sentiments généreux et nobles de toute sorte. Il eût bien mieux valu pardonner à un tel homme et se concilier son appui, mais « cette époque n’était point celle de la conciliation. »

Quelques jours après cet événement, furent arrêtés deux frères, nommés Shearer, gens de talent, qui plus tard furent condamnés comme traîtres. Les découvertes furent dues à une trahison d’une espèce particulière, non point celle d’un frère perfide, mais celle d’un frère prétendu, qui avait réussi à se faire passer pour un Irlandais uni. Le gouvernement, quoiqu’il n’eût pas pénétré jusqu’au fond du mystère, en avait dès lors découvert assez pour lui faire prendre les mesures les plus énergiques, et les conspirateurs, qui avaient décidé jusqu’alors d’attendre la coopération d’une armée française, commencèrent à craindre que le terrain ne se dérobât sous leurs pieds s’ils tardaient davantage. Il était évident qu’ils couraient plus de danger