Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
DU MANGEUR D’OPIUM

plus, et auxquels je serais allé serrer la main, si loin que j’eusse été. L’un d’eux était un boucher, l’autre un marin au long cours, tous deux insurgés. Mais tous deux s’étaient montrés vraiment généreux, braves, et d’un noble caractère. En effet, pendant l’occupation de Wexford par l’armée rebelle, ils avaient été, à maintes reprises, seuls à s’opposer au prix des plus grands dangers personnels au massacre général que méditaient alors les Papistes fanatiques. Et finalement, quand toute résistance paraissait devenue absolument impossible, ils avaient, l’un et l’autre, pris résolument à partie l’auteur principal de celle sanguinaire proposition, le sommant de se battre avec eux à l’épée ou au pistolet, à son choix, pour prouver « qu’il était un homme » selon leur expression, avant de pouvoir se jouer librement de l’effusion sans danger du sang innocent.

En terminant ce sujet, il est un fait que je dois mentionner, et qui, à lui seul, suffira pour établir tout ce que j’aurai pu dire de plus sévère contre le gouvernement, ou plutôt, pour être juste, contre l’administration locale de l’Irlande. En effet, en ce qui concerne le gouvernement suprême, qui siégeait en Angleterre, il faut supposer que ce corps ne fit tout au plus que sanctionner les recommandations du cabinet irlandais, si même son intervention alla jusque-là. En particulier les bastonnades et flagellations auxquelles on recourut dans les comtés de Wexford, de Kildare, etc., ont dû être suggérées, à l’origine, par des esprits familiers avec les habitudes de l’aristocratie irlandaise dans sa manière de traiter les subalternes. Les Irlandais sincères doivent admettre que le fait de donner des coups de pied, ou d’en faire la me-