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Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/216

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DU MANGEUR D’OPIUM

lait de roses que de larmes. Pourquoi pas, après tout ? Que pouvait il y avoir en elle qui correspondît aux sentiments agités d’un enfant ignorant, à propos d’un petit voyage d’une centaine de milles ? À la porte, cependant, j’étais attendu par quelques sottes créatures, des femmes, cela va sans dire, les unes jeunes, d’autres âgées, de la chambre des enfants, ou de la cuisine et ce furent elles qui reçurent ces baisers ardents, qui se réservent pour l’affection sans crainte et sans déguisement. Ciel ! quelles guirlandes on pourrait suspendre en souvenir de ces doux baisers de femmes, donnés sans contrainte, sans art, avant l’âge où on peut en connaître le prix ! Et encore, qu’il est doux le contact des mains de femmes, des mains tendues l’une après l’autre à l’instant du départ. S’il s’agit de faire tenir quelque chose au moyen d’une attache, d’une épingle, d’un point de couture, ou de quelque autre manière, quelle parfaite confiance on a dans L’habileté féminine. On dirait que par la seule vertu de son sexe et de l’instinct féminin, une femme ne manquera jamais de trouver le moyen le plus sûr et le plus simple d’arranger toute difficulté dans une toilette. La mienne fut bientôt achevée entre leurs mains ; chacune avait une épingle à tirer de son corsage afin de rajuster quelque chose à ma gorge, à mes mains, et il s’élevait en quelque sorte un chœur de voix disant « Dieu le bénisse » lorsque d’en bas, le jeune Méphistophélès fit entendre un sourd grognement, à moins que ce ne fussent les chevaux qui s’ébrouaient.

Je fus bientôt transporté dans la chaise de poste ; les conseils au sujet de la nuit, du froid, plurent de tous côtés sut moi, donnant à Méphis-