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DU MANGEUR D’OPIUM

pratique. Il fallait prévoir une transformation bestiale de tout le caractère, telle qu’elle se produit, dans celui du jeune fils gipay d’Effie Deans, transformation qui ne permet plus de compter sur aucun des plus nobles instincts de la nature humaine, et qui destine sa victime à une éternelle réprobation. Le meurtre même aurait perdu tout ce qu’il a d’horrible aux yeux d’un homme qui n’aurait été que trop habitué à en être témoin, lors même qu’il n’eût pas été forcé de le commettre de ses mains d’adolescent, de coopérer au massacre en masse d’un équipage sans défense, de passagers affaiblis par la maladie, ou de villageois habitant des lieux écartés, tirés de leur sommeil par les lueurs de l’incendie, que reflétaient les lames étincelantes des coutelas, et les figures de démons.

C’est cette crainte-là, une crainte de ce genre, comme je l’ai souvent pensé, qui se mêlant à toutes les autres craintes, dut être la crainte suprême qui absorba toutes les autres pour la malheureuse Marie-Antoinette, comme la verge d’Aaron dévora les verges de tous les autres magiciens, en présence de Pharaon. Ce dut être là l’aiguillon de la mort pour son cœur de mère, ce dut être la douleur suprême, la fin de tout, que cette idée que son enfant royal n’aurait pas à échanger les horreurs de la royauté contre la paix et l’humble innocence, mais que ses joues si belles flétriraient par le vie autant que par le chagrin, qu’il serait amené par la tentation, à s’enivrer, à jurer, à subir toutes sortes de souillures morales, jusqu’à ce qu’enfin, comme la pauvre Constance, mais pour un motif plus triste, la royale mère ne reconnût plus son fils, si horriblement transformé, en ad-