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DU MANGEUR D’OPIUM

pressé. Car j’étais certain, et je le dis à ma mère, que quand même cela pouvait paraître, quand même cela serait réellement d’une insuffisance ridicule pour un genre de dépenses ordinaire, et bien au-dessous des besoins que comportait la situation, néanmoins, il devait être possible à Oxford, comme dans toute autre ville, à un jeune homme de caractère ferme, de vivre avec cent livres par an, et même de vivre d’une manière décente Dès lors j’entrevoyais ce qui devait en être, et l’expérience me prouva que j’avais eu raison.

Si l’on savait qu’un jeune homme s’occupe de choses banales, qu’il ne donne à l’étude que de courts instants, et qu’il a un goût des plus prononcés pour les livres, naturellement ses compagnons de collège, s’il s’en trouvait parmi eux qui fussent des flâneurs, ne manqueraient pas de lui demander de quel droit il courtise la solitude. Ils exigeraient qu’il leur montre la preuve officielle de son exemption des usages communs, et n’en obtenant aucune, ils seraient forcés de conclure qu’il est pauvre. Et sans doute quand il se trouve que c’est là le seul signe caractéristique d’un homme, et que ce trait n’est contrebalancé par rien qui fasse supposer des qualités personnelles dignes de respect, ils seront amenés à faire à cet homme une situation humiliante et pénible, mais j’affirme qu’il en sera ainsi n’importe où, et autant qu’à Oxford. La simple absence de ressources, par elle-même, quand les circonstances la font violemment ressortir, ne peut être, pour qui que ce soit, autre chose qu’une source d’humiliation. Or, dans toute cité, un homme qui a cent livres de revenu ne saurait être contraint de s’isoler d’une manière aussi haineuse ; il trouverait