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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

mille autres personnes pour le soutenir. Mais à Oxford, il est une sorte de monstre, isolé parmi les seuls de sa classe qui puissent lui être comparés. Donc la pression qui pousse Oxford au mépris est plus forte qu’ailleurs. Par conséquent il faudrait une allocation plus forte, si ce mépris était plus accentué ; c’est ce que je nie. Mais sans doute, dans tous les climats, sous tous les méridiens, il est très humiliant de n’être distingué que par les choses qui vous manquent. De nos jours, — de tout temps, — être faible, c’est en quelque sorte être misérable, et la simple pauvreté, sans autre qualification ou épithète, est uniquement le défaut de ressources. Mais d’autre part, à Oxford, du moins, comme en tout autre endroit que j’aie jamais connu, les talents, et de sévères habitudes d’étude sont de suffisantes excuses. Et j’atteste preuve la plus indéniable, — c’est-à-dire mon expérience de la vie de collège, alors que je venais de renoncer à des habitudes de dissipation tapageuse, — je puis affirmer qu’un homme qui donne ses habitudes studieuses bien connues, comme l’excuse de sa vie renfermée, comme motif de ne point prendre part aux amusements ordinaires, aux parties de boisson, ne s’expose ni à être molesté ni à être méprisé.

Pour mon compte, bien que je n’aie ni fait ni accepté d’invitations pendant les deux premières années de ma résidence, je n’ai eu qu’une seule fois l’occasion de provoquer un sourire dédaigneux, ou plutôt une allusion quelconque à des habitudes qui pouvaient être un indice de pauvreté. Et peut-être même alors, n’étais-je point en droit de m’offenser, car en cette circonstance je n’avais pas agi avec prudence, et l’allusion, quoiqu’elle fût