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DU MANGEUR D’OPIUM

terre. Mon explication est fondée moins sur ce fait que sur cette autre circonstance, trop souvent négligée, que les universités étrangères ne se recrutent pas dans les classes les plus riches, qui sont déjà la classe noble ou aspirent à y entrer. À quoi cela tient-il ? simplement à l’organisation vicieuse de la société sur le continent, où toutes les sources d’honneur sont le privilège des carrières militaire ou diplomatique. Nous autres Anglais, qui professons pour nous-mêmes une haine et un mépris sans précédents, qui nous évertuons à déprécier nos supériorités au delà de ce que peuvent permettre l’honneur et le bon sens, nous qui jouons sans cesse cartes sur table avec nos ennemis étrangers, dont la haine est faite seulement d’envie et de honte, nous avons parmi nous des quelques centaines d’écrivains qui préféreraient la mort ou le martyre, plutôt que d’admettre cette proposition que l’aristocratie et l’esprit, les préjugés de l’aristocratie, ont une influence plus puissante chez nous qu’en aucune autre société d’hommes, en ce sens qu’ils agissent d’une manière plus profonde et plus étendue. Pour moi qui attribue l’origine de toutes les erreurs à quelque manière étroite, partiale ou latérale, de regarder la vérité, je suis rarement disposé à donner à une affirmation sincère un pur et simple démenti. Sachant donc que certains observateurs perspicaces professent cette doctrine sur les forces aristocratiques et sur la forme qu’elles donnent à la société anglaise, je ne puis m’empêcher de supposer qu’il existe, en effet, quelques symptômes d’un phénomène de ce genre, et la seule remarque que je ferai à ce sujet, c’est que toute force, toute influence qui a pour base de profondes