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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

trouve tout simplement au même niveau que le premier Esquire venu qui possède un domaine, et dans bien des cas, il n’est pas à ce niveau. Tout cela bien considéré, combien doit s’affirmer l’esprit aristocratique, dans la société continentale ! Notre haute noblesse, notre noblesse authentique, celle qui tient pour tel le sentiment général de ses compatriotes fera ce que se refuse à faire cette noblesse fantastique du continent : les nobles douteux d’Allemagne ne voudront pas se mêler sur un pied d’égalité à leurs concitoyens non titrés. Ils ne les fréquenteront pas dans une salle de bal ou de concert. Notre grande noblesse territoriale le fait journellement, bien qu’elle forme parfois des cercles fermés, qui toutefois n’ont point pour règle l’ancienneté du titre. Elle se mêle sur un pied d’égalité aux amusements communs, courses, bals, réunions musicales, aux baronnets (l’élite de la gentry) aux esquires propriétaires (moyenne gentry), à la classe supérieure des négociants. Ceux-ci en Allemagne ne sont que de simples chiffres tant pour l’influence politique que pour la considération sociale ; tandis que chez nous, ils forment la couche inférieure, mais la plus étendue de la noblesse ou gentry. La classe obscure des barons allemands prétend, cela est indéniable, avoir le droit de s’entourer « d’une atmosphère qui lui est propre, » alors que les Howard, les Stanley, les Talbot d’Angleterre ; les Hamilton, les Douglas, les Gordon d’Écosse ne font nulle difficulté d’entrer en rapports amicaux avec la classe libérale[1] de leurs concitoyens non titrés, sur le terrain où le principe même de la fierté aristocra-

  1. C’est-à-dire des hommes de profession libérale.