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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

l’un quelconque d’entre eux sans s’occuper des autres. Le tout réuni s’élevait à une bagatelle, mais nous étions obsédés par une sorte de persécution : « — Ne voulions-nous pas voir la cloche ? — N’irions-nous pas regarder le modèle ? — Certainement nous ne partirons pas sans avoir visité la galerie aux échos ? »

Ces propos troublaient le silence et la sainteté de l’endroit, et doivent avoir agacé bien des gens, comme ils nous agaçaient nous-mêmes, qui ne demandions qu’à contempler tranquillement un beau monument de la grandeur nationale, monument qui, à cette époque même, commençait à prendre quelque importance dans le pays depuis qu’il était destiné à recevoir les cendre de ses héros[1].

Ce qui nous frappa le plus dans tout l’intérieur de l’édifice, ce fut le coup d’œil qu’on avait en se plaçant exactement sous le centre du dôme ; ce fut précisément ce point qui, cinq années plus tard, reçut les restes de Lors Nelson. Dans une des ailes qui se détachaient de ce centre, nous vîmes les drapeaux de France, d’Espagne, de Hollande, tous les trophées de la guerre en un mot, faisant flotter leurs lourdes draperies, lentement, pesamment, dans la demi-obscurité d’en haut, comme si de temps à autre ils étaient agités par des courants d’air. Les jeunes garçons ne font pas de sentiment, ou du moins ils n’en expriment pas beaucoup, mais ils éprouvent réellement, tout comme leurs aînés, des émotions d’une nature très élevée, bien

  1. Déjà l’érection de monuments dans cette cathédrale avait été votée par la Chambre des Communes, et ils étaient presque terminés ; je crois que c’étaient ceux des deux capitaines tombés à la bataille du Nil.