Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/220

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Ainsi tous le craignaient. Du breuvage qu’il aime,
Dans son vase emmiellé Dieu l’enivrait lui-même.
Les peuples le suivaient en caressant leur frein.
Il était calme et fort ; et sur son front serein,
La couronne de plomb sacrée à Sainte-Hélène
N’effeuillait pas alors la couronne de chêne.



XIX. LE SAINT-BERNARD

 
Les Alpes sont debout. Les voyez-vous blanchir ?
Leurs murs sont crénelés ; qui pourra les franchir ?
Derrière leur enclos, à l’ombre épanouie,
Qui jamais cueillera la fleur de l’Italie ?
Si ce n’est toi, grand Dieu, qui jamais du vallon
Montera sur leur cime après l’aigle et l’aiglon ?
Comme un camp éternel leurs tentes sont dressées.
Qui les emportera sur son char entassées ?
Jamais la dent des boucs ne les ronge en chemin,
Et jamais l’ouragan ne déchire leur lin.
Quel guerrier dormira sous leur toit de tempête,
Et pourra dans son rêve escalader leur faîte ?
Dès l’aube la Jungfrau s’assied dans les ravins,
Et porte l’avalanche en ses humides mains.
Qui dénouera jamais son voile de nuage ?
Comme un anachorète en son froid ermitage,
Le Saint-Bernard, pieds nus, se couche en son cercueil.
Qui jamais franchira les degrés de son seuil ?