Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/221

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Les Alpes sont debout. Sur leurs flots sans rivage
Que hérisse à leur faîte un éternel orage,
Sur cette mer géante aux vagues de granit,
Où, comme l’alcyon, les peuples font leur nid,
Sans rameur et sans mât, suspendue à la cime,
Quelle barque jamais ira tenter l’abîme ?
Ah ! Qui m’emportera sur leur plus froid sommet,
Comme un chevreau lassé qui monte en son chalet ?
Qui me dira jamais ce que l’aigle en son aire
Sur leur autre penchant aperçoit de mystère ?
Comment sont faits les bois de myrtes, d’oliviers,
Et le goût des citrons au pied des citronniers ?
Ah ! Qui me bâtira plus puissant que l’orage
Mon refuge, ici-bas, sur leur rocher sauvage ?
Je suis un voyageur que suivent les vautours.
La brume m’environne, et je crie : " Au secours ! "
Le chemin est glissant, et l’ouragan m’entraîne.
Est-ce là le chemin qui mène à Sainte-Hélène ?
Car c’est là que j’ai vu le chasseur de chamois
Dont le nom retentit comme fait un carquois.
L’ourse du Saint-Bernard, à la fin muselée,
En grondant le suivait au fond de la vallée.
Sa flèche était lancée ; et par delà les monts
Allait blesser à mort le cœur des nations.
Ici j’ai vu passer un berger sans ouailles ;
Dans la neige il menait ses chevaux de batailles,
Ses canons bâillonnés, qui, chargés de frimas,
Comme une meute en laisse aboyaient sur ses pas ;