Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/239

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Ah ! Les vivants sont las autant que sont les morts,
Sire. Le vase est plein au delà de ses bords.
L’impossible est comblé. Retournez en arrière.
Une fois écoutez une bouche sincère !
Vous n’aimez rien que vous ; et de vos éperons
Toujours vous harcelez le flanc des nations.
Craignez qu’en se câbrant l’indocile cavale
Ne vous fasse vider la selle impériale.
Le monde, croyez-moi, n’est pas ce qu’il paraît.
Quand on dit : il vous aime, on vous trompe ; il vous hait.
Aux peuples harassés leur esclavage pèse :
Ils lèchent votre main pour vous mordre à leur aise.
Trop de rois courtisans vous parlent à genoux.
Vos états dépeuplés ne renferment que vous.
Votre empire est semblable à l’empire des ombres ;
On n’y peut faire un pas qu’à travers des décombres. "
—Mon empire est d’airain sous mon glaive abrité,
Et mon siècle est à moi comme l’éternité.
Ami, de mes trésors, jusqu’en la nuit profonde,
Que veux-tu pour ton lot ? Je possède le monde.
Veux-tu dans ton duché les mers de l’Orient,
Les sables du désert ? Veux-tu le Tibre errant,
Ou l’alhambra d’Espagne, ou les sept pyramides,
Ou les peuples pasteurs des cavales numides ?
—Je ne demande pas les sables du désert,
Ni les flots trop changeants où le Tibre se perd.
Donnez-moi sous ce chêne, en votre vaste empire,
Ce tombeau de gazon où la brise soupire.