Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/281

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C’est le flux, le reflux qui se tait et qui gronde.
Chaque flot est un peuple et chaque vague un monde.
C’est la mer ! C’est la mer aux abîmes profonds,
Où, comme des vaisseaux, sombrent les nations ;
Où, comme un grain de sable un empire se noie
Et qui roule à toute heure et le deuil et la joie.
C’est la mer ! C’est la mer des célestes hasards :
Les cyrus aujourd’hui ; puis demain les césars ;
Charlemagne à cette heure ; à cette autre Alexandre ;
Napoléon ce soir ; demain un peu de cendre ;
Demain ! Qui sait ? Demain ? âge d’or ou de fer,
Quel flot nous jettera l’abîme au flot amer ?
C’est la mer éternelle aux inconstants rivages
Que les rois ont toujours peuplés de leurs naufrages,
Avide, après mille ans, de naufrages nouveaux,
De destins plus amers et de plus grands tombeaux ;
Qui peut, en un moment, déraciner un monde
Si le souffle de Dieu la pousse et la seconde.
Contre ce flot pesant qui luttera sans peur ?
Qui lui dira : retourne en ton puits de douleur ?
Qui le refoulera devant lui dans le sable,
Comme enchaîne un berger son troupeau dans l’étable ?
Qui poussera du pied cet immense océan
Dont la borne commence et finit au néant ?
Un homme ! Rien qu’un homme ! Ainsi que son épée,
Si son âme est d’acier et de bronze trempée.
Un soldat-empereur, -tout un siècle à cheval, -
Si sa capote grise est son manteau royal ;