Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/328

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Les rois aussi passaient pleurant dans leur chemin.
À ses pieds ils rompaient leurs bandeaux de leur main.
Disant : c’est toi, César, qui nous fis la blessure ;
Fais donc aussi le deuil avec la sépulture ;
Et les peuples joyeux s’enivraient à leur tour ;
Puis après ils mouraient : chacun vivait un jour !
Les dieux humains aussi passaient comme les hommes,
Plus tristes en leur deuil, plus vains que nous ne sommes,
Plus néant, s’il se peut ; parmi leurs cieux nouveaux,
Cherchant un ciel plus vide et de plus grands tombeaux ;
Moïse, Mahomet, et puis d’autres encore,
L’un par l’autre éclipsant leur éternelle aurore.

Et la terre, des cieux perdant le souvenir,
Rampait vide et muette au bord de l’avenir.
Elle avait oublié le nom de sa misère
Et comment s’appelait son humaine poussière.
Elle ne savait plus, sur ses arides bords,
Retrouver derrière eux les vestiges des morts.
Mais, comme un souvenir que se gardait l’abîme,
Lui demeurait debout sur son altière cime ;
Lui seul il survivait en sa forte cité :
Car ses soldats d’airain, sans fermer la paupière,
Le défendaient encore, ainsi qu’une barrière,
Des morsures du temps et de l’éternité.