e pour arriver à votre porte avant les rois. Voilà du sable d’or que j’ai ramassé dans l’Euphrate ; voilà un pan de lin de Perse, de quoi vous faire une tunique.
Le Christ.
Et vous, bel aigle, que tenez-vous à votre bec ?
L’Aigle.
Ma charge de duvet pour votre aire ; voilà
aussi, pour vous désennuyer, un globe du monde
qu’un aiglon de Calabre portait à sa nichée
dans Rome, sur la cime du capitole.
Le Christ.
Laisse-le à mes pieds ; il te fatigue à remuer.
Les Rois Mages.
Est-ce vous, roi des cieux plantureux ? Quand vos
yeux se sont ouverts, les étoiles ont fermé
leurs paupières et leurs cils d’or. Quand
votre mère a délié vos cheveux sur vos
épaules, vous avez secoué autour de vous
l’aube du jour, comme un cygne la rosée.
Le brin de romarin qui vous a vu le premier
l’a dit au chemin, le chemin l’a dit à la
rivière, la rivière à la mer, la mer à la
montagne, la montagne à nos sceptres, nos
sceptres nous l’ont redit ; et, pour vous
adorer, nous nous agenouillons comme le brin
de romarin. En présent, nous vous apportons
un beau calice de vermeil. Tous nos rois y
ont bu l’un après l’autre ; tous nos dieux
avant eux. Le plus puissant y a mêlé, avec
son doigt, comme l’eau et le vin, les pleurs
et la sueur des mondes. Buvez-y à votre tour ;
buvez pour votre soif dans cette coupe enchantée.
La Vierge Marie.
Mon seigneur, ne prenez pas, je vous en prie, à
votre main ce calice ; il y a du fiel et de
l’absinthe sur ses bords.
Les Rois Mages.