Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/138

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avec sa couronne d’épines de buisson, avec sa robe déchirée, avec ses pieds sanglants, être le roi de notre ruine.



Ahasvérus.

Ils approchent. On entend déjà le bruit des pas ; mon cœur bat dans ma poitrine.



La Foule.

A-t-on rendu à Barabas son épée, sa cape, son cheval et son carquois plein de flèches ? Donnons lui dans sa bourse dix deniers d’argent brillant. Habillons-le de rouge en messager ; il ira par les villes dire aux larrons, aux faiseurs de filets, aux esclaves qui tournent les moulins : savez-vous la nouvelle ? Votre roi vous attend sur le perron de sa tour de Golgotha.



Ahasvérus.

La voix de ce peuple m’enivre comme une outre de vin du Carmel. Sa colère est certainement juste.



La Foule.

Pilate, sage Pilate, as-tu pris ton aiguière d’or ? Encore, encore ! Regarde cette tache que tu n’as pas ôtée. Rome se lave les mains ; cette vierge innocente, qui n’a tenu que le fuseau dans la chambre de sa mère, ne veut pas porter une bague de sang à son doigt ; mais nous, sans tarder, nous suivrons les pas de notre fils de roi. Vraiment, ne vaut-il pas mieux que David ? Voyez, il pleure, et n’a ni épée ni fronde ; ses échansons sont deux larrons à son côté. S’il veut nous châtier, qu’il commande ; peut-être cette fois il ne nous renverra pas si loin que les saules de Babylone. Faut-il retourner, les mains liées derrière le dos, au désert, jusque dans l’Egypte ? Partons ; depuis longtemps, nous savons le chemin, -et un court sentier pour revenir.



Ahasvérus.