érus.
Va blasphémer où tu voudras. Tu fais déjà sécher
sur pied ma vigne et mon figuier. Ne t’appuie
pas à la rampe de mon escalier. Il
s’écroulerait en t’entendant parler. Tu
veux m’ensorceler.
Le Christ.
J’ai voulu te sauver.
Ahasvérus.
Devin, sors de mon ombre. Ton chemin est devant
toi. Marche, marche.
Le Christ.
Pourquoi l’as-tu dit, Ahasvérus ? C’est toi
qui marcheras jusqu’au jugement dernier,
pendant plus de mille ans. Va prendre tes
sandales et tes habits de voyage ; partout
où tu passeras, on t’appellera : le juif errant.
C’est toi qui ne trouveras ni siège pour
t’asseoir, ni source de montagne pour t’y
désaltérer. à ma place, tu porteras le
fardeau que je vais quitter sur la croix.
Pour ta soif, tu boiras ce que j’aurai
laissé au fond de mon calice. D’autres
prendront ma tunique ; toi, tu hériteras
de mon éternelle douleur. L’hysope germera
dans ton bâton de voyage, l’absinthe croîtra
dans ton outre ; le désespoir te serrera les
reins dans ta ceinture de cuir. Tu seras
l’homme qui ne meurt jamais. Ton âge sera
le mien. Pour te voir passer, les aigles
se mettront sur le bord de leur aire. Les
petits oiseaux se cacheront à moitié sous
la crête des rochers. L’étoile se penchera
sur sa nue pour entendre tes pleurs tomber
goutte à goutte dans l’abîme. Moi, je vais
à Golgotha ; toi, tu marcheras de ruines en
ruines, de royaumes en royaumes, sans
atteindre jamais ton Calvaire. Tu briseras
ton escalier sous tes pieds, et tu ne pourras
plus redescendre. La porte de la ville te dira :
plus loin, mon banc est usé ; et le fleuve
où tu voudras t’asseoir te