dira : plus loin, plus loin, jusqu’à la mer ; mon rivage, à moi, est plein de ronces. Et la mer aussi : plus loin, plus loin ; n’êtes-vous pas ce voyageur éternel qui s’en va de peuples en peuples, de siècles en siècles, en buvant ses larmes dans sa coupe, qui ne dort ni jour ni nuit, ni sur la soie, ni sur la pierre, et qui ne peut pas redescendre par le chemin qu’il a monté ? Les griffons s’assiéront, les sphinx dormiront. Toi, tu n’auras plus ni siège, ni sommeil. C’est toi qui iras me demander de temple en temple, sans jamais me rencontrer. C’est toi qui crieras : où est-il ? Jusqu’à ce que les morts te montrent le chemin vers le jugement dernier. Quand tu me reverras, mes yeux flamboieront ; mon doigt se lèvera sous ma robe pour t’appeler dans la vallée de Josaphat.
Un Soldat Romain.
L’avez-vous entendu ? Pendant qu’il parlait,
mon épée gémissait dans le fourreau ; ma lance
suait le sang ; mon cheval pleurait. J’ai
assez longtemps gardé mon épée et ma lance.
En écoutant cette voix, mon cœur s’est usé
dans mon sein. Ouvrez-moi la porte, ma femme
et mes petits enfants, pour me cacher dans
ma hutte de Calabre.
La Foule.
Qu’ai-je à faire de monter plus loin jusqu’au
Calvaire ? S’il était par hasard un Dieu
d’un pays inconnu, ou bien encore un fils
que l’éternel a oublié dans sa vieillesse ?
Avant qu’il nous puisse reconnaître, allons
nous enfermer dans nos cours. éteignons nos
lampes sur nos tables. Avez-vous vu la main
d’airain qui écrivait sur la maison
d’Ahasvérus : le juif errant ? Que ce nom
ne reste pas sur la pierre ! Que celui qui le
porte soit le bouc de Juda. Quand il passera,
Babylone, Thèbes, et le pays d’alentour,
ramasseront une pierre de leurs ruines pour
la lui jeter. Mais nous, sans plus jamais
quitter notre escalier