que ma plus haute espérance. Ses villes, sans forts et sans murailles, sont plus ruinées dans leurs vallées que mes projets bâtis hier.
Ses boucs rongent tout le jour les battants
de ses portes, mieux que mon souvenir ne me
ronge le cœur. L’eau de ses puits du désert
est plus chaude que mes larmes ; et l’absinthe
qu’il a plantée sur ses coteaux est plus amère
que le souffle de mes lèvres.
N’y a-t-il pas d’autre pays par delà la montagne
d’Asie ? N’y a-t-il pas une vallée où croît
un simple pour guérir la blessure de mon âme ?
Loin, plus loin, n’y a-t-il point de forêts
sans bûcherons, de hautes herbes sans faucheurs,
et de givre aux branches toute l’année, où
jamais le soleil d’Arabie ne boira plus ma
sueur ? Que me font les histoires de Babel
et du pays d’Egypte, que les pierres racontent
quand on passe ? Que me font tant de noms de
rois, de patriarches, d’empires évanouis qui
me vieillissent de mille années ? Pour me
débarrasser plus vite de tous mes souvenirs,
je dirai aux petits des rouges-gorges de me
chanter sur mon toit leur histoire d’hier.
N’y a-t-il pas quelque part un autre Dieu
meilleur que le Dieu de la Judée ? J’irai
me cacher dans ses bruyères, jusqu’au pied de
sa tour faite d’étoiles. Adieu, mes lourdes
amulettes. Adieu, mes beaux éperviers de bronze.
Adieu, mes serpents de porphyre. Puisqu’ils
ne peuvent pas me suivre, que mes griffons
restent sans leurs bergers, que mes licornes
broutent leurs obélisques, que mes sphinx
s’endorment dans le sable ! Je n’emporte pour
reliques, dans mon voyage, que ma plaie dans
mon sein, et pour idole, sous mon manteau, que
ma douleur.
Maintenant, cimes perdues dans la brume, sentiers