par le bruit de la ville, par la cornemuse du veilleur, par la chaîne du pont-levis, par la lance brillante, par la cloche des morts.
Un jour, j’ai cru arriver au bout de mon chemin,
à la maison du Christ, et le trouver assis
sous le porche avec sa mère : toujours le
chemin s’étendait plus loin à travers les
bruyères ; toujours les rivières perdaient
haleine derrière moi ; toujours mon cœur
croyait le rencontrer, avant la nuit, avec
son auréole d’or, avec sa palme de figuier.
Mais le soir s’est passé ; après le soir, le
matin s’est passé, et après le matin, le milieu
du jour aussi ; et après cela, il y eut une
heure où je vis que mes pieds usaient, sans
vieillir, la pierre du seuil de mes hôtes ;
sous leurs pas leur escalier croulait, leur
vallée s’emplissait de feuilles mortes. Leur
puits se comblait, et moi, ma vie ne se
comblait pas. Le soir, je cherchais, pour m’y
reposer, des villes que j’avais laissées pleines
d’hommes, de cris, de chants, de fumée, de chars,
de soupirs : je les retrouvais taries sur le
chemin, comme une source quand les chacals
ont bu la dernière goutte d’eau.
Et, quand vinrent des peuples nouveaux pour
remplacer les morts, j’allai seul au-devant
d’eux, à la porte des villes, leur montrer le
chemin ; leurs chevaux sauvages me regardaient
d’un oeil louche ; leurs rois chevelus criaient
en riant dans leurs langues nouvelles, sans
m’avoir jamais vu : " voyez sur cette pierre ;
c’est Ahasvérus ! Ne bandez pas vos arcs ;
c’est lui qui ne mourra jamais. "
Ne pas pouvoir mourir ! Toujours attendre, et ne