Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/197

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la plante de mes pieds ; j’ai fouillé, comme le vautour, dans la cendre des villes et sous le manteau des morts. La mer ressemble au bleu de ta tunique ; je t’ai cherché dans le creux de la mer. Rome, qui sue le sang, ressemble, avec ses murs, à ta couronne d’épines ; je t’ai cherché dans Rome. Le désert qui blanchit ressemble à ton suaire ; je t’ai cherché dans le désert. J’ai demandé aux femmes qui filent leurs quenouilles, aux enfants qui mangeaient leur pain d’orge sur la porte, aux gardeurs de cavales qui cordaient leur chanvre dans les bois : " l’avez-vous vu passer ? " où es-tu donc, roi des morts ?


Quand j’étais un enfant de dix ans, je regardais dans l’air les cigognes et les grues qui se reposaient sur les toits des voisins en revenant de leur voyage ; j’aurais voulu qu’elles m’eussent dit ce qui était de l’autre côté de la montagne, et qu’elles m’eussent raconté ce qu’elles avaient vu sous les feuilles des bois et sous les joncs des sources. Quand les ramiers s’assemblaient pour partir, mon cœur se soulevait dans mon sein, et je suivais de loin leur vol comme la fumée d’un feu de berger qui s’évapore.

Non ! Les grues et les cigognes n’ont pas tant voyagé que moi, et les ramiers n’ont pas bu à tant de sources que moi. Les sources des montagnes ont le goût de l’absinthe. Les fleurs des prés portent sur leurs feuilles des croix couleur de sang. Les bois gémissent quand je passe ; les grottes pleurent quand j’y entre ; la terre résonne sous mes souliers ferrés comme la pierre d’un tombeau du Calvaire.

Puisque tu es sorti de ton sépulcre, Jésus de Nazareth, dis-moi donc, par le cri de l’aigle, par la vapeur des grottes, par la feuille du frêne, dis-moi où tu es,