Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/215

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ciselées, ensorcelées, murmurent, sans s’arrêter jamais ni jour ni nuit, les cinq lettres qui font : amour. à tous nos génies, servants, prescrivons de balbutier le même mot sous le pin, sous le chêne, sur le balcon, sous le haubert, dans la poignée de l’épée, à la pointe de la lance, dans le pli de la bannière, dans le pli de la nuée, pour que ciel et terre n’aient qu’un son à notre oreille.



De plus, à tous devins qui le sont ou le seront, mages, nains, négromans, enjoignons d’ajouter un grain de venin dans le pain d’Ahasvérus, un grain d’hysope dans son verre. Il faut que sa peine soit double. N’épargnez pas les pleurs qui se glacent dans les yeux, ni les soupirs qui suffoquent les gens, ni les battements du cœur qui le meurtrissent sans l’user. Les larmes nous coûtent juste autant que la rosée.

Puis, quand le boisseau sera plein, quand tous les royaumes auront bu tout l’or de la terre, quand les clochers et clochetons montés à leurs faîtes mettront sur leurs fronts leurs couronnes de nuées, quand les reines seront habillées d’argent, nous soufflerons dessus.

Rois, comtes, cathédrales, beaux empires de cendre, beaux royaumes de boue, belles nations d’argile crouleront sous l’essieu de notre chariot. Qui rira de leur gloire ? La marjolaine leur héritière, qu’ils ont foulée sans l’écraser, et le romarin sur les places en voyant nos danses.