Intérieur de la chambre de Rachel. Rachel endormie dans son lit. Le matin commence à paraître.
Le Chœur.
Chut ! Chut ! à cette heure, Rachel est endormie.
D’un pas moins sonore, fées et aspioles, en
retenant notre souffle, entrons dans sa chambre,
sans rien dire, un doigt sur nos lèvres, pour
la mieux ensorceler. Cachons-nous, qui dans un
nœud de ses cheveux, qui dans ce bouquet de
giroflées, qui dans cette cassette de noyer,
qui dans ce livre de prières, qui dans ce pli
de son ouvrage. Surtout parlons bas. Qu’elle
prenne notre voix pour le bruit de sa pensée
dans son âme résonnante.
- Etes-vous bien ? - Oui. - Et moi aussi. - Silence.
Pour la voir endormie, j’ai passé la tête sous
son ciel de lit. Ah ! Que son cou est blanc, et
droit, et doux ! Ses dents, quand elle respire,
semblent d’argent, et tout l’or d’outre-mer,
ou de Syrie la terre lointaine, ne serait pas
si blond que ses blonds cheveux. Paix ! La
voilà qui soupire. à présent, elle se tourne
sur le côté et se retourne. Et puis voilà un songe
qui passe sur son front, et sur ses joues,
et sur ses lèvres ; à présent il est dans son
cœur. Oh ! Que nenni, la chose est certaine ;
jamais, dans une tour, ni dans un palais plénier,
vous n’avez vu fille de haut princier, sœur
de roi ou de comte, si belle à regarder. Sans
mentir, je croirais qu’elle fut ange.