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Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/235

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L’amour ne sera jamais un jeu pour moi ; s’il est tel que vous le dites, il vaut mieux détruire en moi, dès à présent, cette dernière espérance.



Mob.

Encore de l’exaltation. Mais, au contraire, il vous en faut de l’amour, et beaucoup. Sans cela, que sait-on ? Que fait-on ? Qu’a-t-on vu ? Et la vie, qu’est-elle ? Néant, néant, néant, ce mot dit fort bien ce qu’il veut dire. On n’a goûté que la moitié des choses, et l’intimité est la plus délicieuse de toutes.



Ahasvérus.

Vous me rendez l’âme.



Mob.

Seulement, entendons-nous, il ne faut pas en abuser ; passé trente ans, cela est déjà si ridicule. Les sentiments s’épuisent comme tout le reste ; puis, une chose à laquelle je ne songeais pas, c’est qu’il est vraiment fort désagréable de penser que ces yeux, avant qu’ils aient lu jusqu’au fond dans les vôtres, vont se remplir de terre ; qu’une toile d’araignée va fermer cette bouche, avant qu’elle ait pu achever son secret, et que cette belle adorée, corps et âme, dès demain sera un de ces je ne sais quoi effrontés qui ricanent à tous venants dans un pilier de catacombes.



Ahasvérus.

En vous entendant, un froid de mort me saisit, ma langue se glace sous mon palais.



Mob.

J’ignorais, mon cher, que votre mal fût si sérieux.

Je croyais que la raison aurait plus d’empire sur vous, et vos amis avaient droit d’espérer que vous ne vous entêteriez pas à ce point. Au reste, dans votre situ